Science et religion
La croyance est une drôle de chose. Il se trouve que nous croyons des choses. Et ces croyances se rejoignent pour former notre vision du monde. C'est assez important, car ce que je vois quand je regarde le monde (y compris quand je me regarde moi-même), c'est ce que j'appelle la réalité.
Ma réalité a toujours été marquée par une guerre entre la religion et la rationalité.
La science et l'Église ont toujours été des ennemis jurés. Souvenez-vous de Galilée et de l'Inquisition. Darwin contre le créationnisme ?
Nous pouvons toujours supposer que ces batailles philosophiques ont réellement eu lieu, mais ma compréhension de la relation entre la religion et la science, bien qu'elle me semble réelle et correcte, est au mieux incomplète.
J'ai une image qui affecte ma vision de la réalité, qui est ma vision de la réalité dans une certaine mesure : La religion a toujours été un obstacle au progrès de la science.
Cette croyance, qui est probablement très répandue, est basée sur deux histoires qui ont été répétées continuellement tout au long de ma vie. J'ai vu Galilée s'attirer les foudres de l'Inquisition à la télévision, en cours d'histoire, et j'ai vu des créationnistes déformer la théorie de l'évolution à la télévision et sur YouTube encore aujourd'hui.
Mais aujourd'hui, la théorie WEIRD me raconte une autre histoire. Elle me dit que l'Église chrétienne a créé l'environnement nécessaire à l'essor de la méthode scientifique. Ce sont les actions de l'Église qui ont permis à l'état d'esprit adéquat de naître dans nos cerveaux.
L'histoire que j'ai en tête maintenant, c'est que l'Église a donné naissance à son plus grand ennemi. Et j'adore cette histoire, c'est un classique - encore mieux que Frankenstein et son monstre.
Bien sûr, j'aurais pu rejeter la théorie. Henrich et son équipe ont réussi à rassembler (Galilée et Darwin sont tous deux apparus sur la scène alors que les jeux étaient déjà faits, c'est-à-dire après le XVe siècle).
J'ai toujours regardé les dogmes et les croyances religieuses de loin, souvent avec étonnement, mais je suppose que je ne me suis jamais identifié comme un antithéiste. Je suppose donc que je n'avais rien a perdre dans ce débat. .
J'ai beau me ranger de tout cœur du côté de la raison dans tout débat entre théistes et athées, et des choses assez horribles ont été faites au nom de la religion, il me semble qu'il s'agit là d'un problème inhérent à la nature humaine.
Les croyances religieuses seraient davantage un symptôme de l'être humain que la racine de toute confusion.
Un véritable antithéiste aurait pu avoir du mal à avaler cette nouvelle théorie bizarre. Un peu comme Luke Skywalker a eu du mal à croire la paternité revendiquée par Dark Vador.
Cela ne fait-il pas partie de la croyance ? Nous confondons nos conclusions avec la vérité. Elles deviennent alors solides et statiques. La vérité est telle qu'elle est que, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas changer d'un moment à l'autre.
Et nous nous identifions à ce que nous connaissons. Si j'adopte des croyances antithéistes, je deviens en quelque sorte un antithéiste, je fais désormais partie de la tribu des antithéistes. Ce qui brouille quelque peu notre rapport à la vérité, avec une notion supplémentaire de devoir défendre une vérité personnelle : ma vérité.
Nous sommes, d'une certaine manière, définis par nos croyances : je suis chrétien, hindou ou athée. Je suis républicain, démocrate ou anarchiste. Nous adoptons des visions du monde, et ces visions deviennent en quelque sorte une partie de mon identité. Une identité et une vision du monde qui sont directement liées à ma communauté, à mon sentiment d'appartenance.
La croyance définit ce qui est vrai (pour moi), elle est liée à mon bien-être, à mes valeurs, et elle fait partie de mon identité.
Quelle force incroyablement irrésistible, vraiment impressionnante. Il n'est pas étonnant que nous soyons prêts à mourir (et à tuer) pour nos convictions.
Je pense qu'il y a des arguments en faveur de l'idée que notre capacité à croire est unique, qu'elle fait partie de l'arsenal qui a placé l'humain au sommet, au même titre que le langage et l'imagination.
À son niveau le plus élémentaire, la croyance est un moyen de donner un sens au monde qui nous entoure. Les enfants le font naturellement, avec avidité. C'est ainsi que nous apprenons ce qui est quoi. C'est ainsi que nous devenons des membres honorables de la société : en croyant, en répétant et en copiant ce que tout le monde autour de nous dit et fait.
Ce qui est formidable, c'est que cela nous permet de travailler ensemble, avec un sens commun de la réalité, des objectifs communs. Nous pouvons nous unir autour d'un projet de société que nous considérons tous comme nécessaire et utile : comme la chasse aux mammouths laineux avec les frères, ou comme lorsque nous sommes allés sur la lune en 1969.
Les problèmes commencent lorsque nous sommes confrontés à une opinion différente ou à une tribu totalement différente. Il devient immédiatement évident que nos opinions et nos croyances sont bizarres et erronées. Nous sommes coincés dans une bulle de croyances, regardant le monde à travers un filtre.
Bien sûr, nous n'en avons pas l'impression ; les croyances étranges et irrationnelles ne sont apparentes que chez les autres.
Si l'on met dans la même situation quelqu'un qui a une mentalité islamique conservatrice et moi-même, nous n'aurons pas nécessairement la même expérience. On pourrait même aller jusqu'à dire que, même si nous regardons la même scène, nous ne verrons peut-être pas la même chose.
Par exemple, face à une jeune femme en short et T-shirt, nos expériences seraient probablement radicalement différentes. Nos cerveaux, conditionnés différemment dans des environnements culturels disparates, percevraient en quelque sorte des "réalités" différentes.
En tant que personne religieuse très conservatrice qui pense que les femmes doivent être cachées, j'agirais et me sentirais comme si ce que je voyais était la réalité. Dans ce cas, je verrais probablement une personne mal habillée. Si la femme mal habillée était d'origine moyen-orientale, ou si je la considérais comme faisant partie de ma communauté religieuse, cela ne ferait qu'aggraver les choses. Et selon le contexte, je pourrais exprimer ma juste colère.
Il en va de même pour les tranches de bacon : un musulman et moi ne verrions pas la même chose. Nous voyons tous deux nos projections de la réalité.
Le fait que je puisse voir que les croyances de quelqu'un d'autre déforment son rapport au monde, doit signifier que cela pourrait aussi être le cas pour moi. À moins que je ne sois, par un coup de chance, un cas particulier. Je me sens en effet assez spécial.
Lorsque nous considérons les croyances d'autres personnes issues de milieux radicalement différents, l'idée que nous vivons dans des bulles de croyances séparées qui déterminent ce que nous voyons semble tout à fait légitime. Mais il me semble que je fais l'expérience de la réalité telle qu'elle est.
Intellectuellement au moins, je suis sûr que nous pouvons tous admettre que les chances que je sois le seul humain capable de détecter la réalité telle qu'elle est, sont sacrément minces.
Il est certain que nous avons tous découvert que nous nous sommes un jour trompés sur quelque chose. Et quand nous croyons en quelque chose qui s'est avéré fallacieux, nous le ressentons de la même manière que toutes nos autres croyances (qui sont vraies - croisons les doigts). Croire en un fait, c'est exactement la même chose que de croire en un mensonge.
Ce que je sais et ce que je vois me semble réel, et même si vous n'êtes pas d'accord avec ce que je vois lorsque je regarde le monde, le processus qui affecte notre expérience est le même - notre cerveau humain.
Nous sommes tous deux nés avec des cerveaux pratiquement identiques qui nous semblent être des machines à détecter la vérité. Et c'est un processus qui se renforce de lui-même : ce que je vois confirme ce que je crois. Mon expérience renforce ma réalité. Ce que je vois est manifestement la vérité - mon expérience me le dit.
Alors pourquoi me détournerais-je de ce qui semble si manifestement vrai ? Si tout ce que je vois et fais confirme que le monde est vraiment tel que je le crois, ignorer les faits ne serait-il pas de la folie ? Quiconque s'est déjà cogné l'orteil sur un rocher sait qu'il vaut mieux éviter de se placer devant un bus en marche.
Comme nous l'avons laissé entendre précédemment, le problème commence lorsque mes croyances ne m'aident plus à naviguer dans le monde, mais au contraire, compliquent ou détériorent ma relation avec la réalité. L'exemple le plus évident est lorsque des croyances contradictoires entrent en contact les unes avec les autres, comme lorsque nous interagissons avec des personnes issues de milieux culturels différents (par exemple, asiatiques et européens, théistes et athées, républicains et démocrates, etc.)
En particulier, la violence qui peut naître de ces interactions en raison de la dure réalité de nos expériences contradictoires. Des expériences que nous ne pouvons pas nous résoudre à remettre en question, tant elles nous semblent vraies.
Tout ce que je crois ne peut pas être vrai. Et lorsque vos croyances contredisent les miennes, seule l'une d'entre elles, au mieux, est vraie.
Nous sommes passés d'un monde où nous nous battions, parfois à l'épée, jusqu'à la mort, et où Dieu décidait qui avait raison, à un monde qui a découvert la méthode scientifique et, avec elle, une meilleure façon de révéler les faussetés.
Je suggère que nous examinions une idée sur laquelle les scientifiques et les mystiques peuvent s'accorder : la croyance (ou la connaissance, ou une théorie scientifique) est simplement un modèle prédictif relatif à une situation particulière, qui est soit utile, soit non utile. En d'autres termes, elle permet de faire des prédictions exactes ou pas.
Ma vision du monde n'est en aucun cas un reflet exact de la réalité telle qu'elle est - et ce, non seulement en ce qui concerne les questions de haute voltige sur le chat de Schrodinger, mais aussi pour des choses tout à fait banales comme : les chaises.
Voyons si je peux continuer à vous persuader que nous prenons des vessies pour des lanternes, je pense que nous nous en porterons tous mieux - à bientôt dans le prochain épisode.
*Lève-toi, Seigneur, et défends ta cause (devise de l'inquisition)
**Lignes directrices schématiques concernant l'équité dans les litiges judiciaires entre hommes et femmes
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